mardi 16 février 2010

Un frère...

À Paris

En quittant la gare d’Austerlitz après avoir traversé la Seine, le métro de la ligne 5 amorce un virage sur la gauche, il passe à quelques mètres d’un bâtiment de briques rouges. En automne ou en hiver sous un ciel gris, cet endroit semble désaffecté sauf lorsqu’on aperçoit quelqu’un en blouse blanche derrière une fenêtre éclairée par une lumière froide. Jamais je n’ai pensé à ce qui pouvait se passer à l’intérieur, parce que rien dans cette image aiguisait ma curiosité. Le métro fuyait dans sa courbe en entrant sous terre et m’emmenait.
C’est un jour d’octobre 2005 qu’un ami me donna rendez-vous devant ce bâtiment, l’Institut Médico-Légal. Ce jour-là j’étais descendu à la station de métro Quai de la Rappée pour la première fois, j’avais marché lentement sur le trottoir qui menait à l’entrée de l’Institut. Je pensais que lorsque je verrai cet ami, je le prendrai dans mes bras, je pensais que je ne pourrais pas me retenir de pleurer. Il arriva d’un pas décidé et c’est lui qui me prit dans ses bras et je n’ai pas pleuré.
La ville que sa femme aimait tant l’avait prise et nous venions la voir une dernière fois.
Depuis ce jour lorsqu’il m’arrive de rendre visite à cet ami, parfois nous parlons du vide, nous parlons de rien ou encore de nos passions, l’histoire, l’image. Je le regarde dans sa fragilité, auprès de lui mon attention est aussi vive que mon abandon. Je l’observe avec pudeur comme pour tenter de prendre l’imprenable. J’aimerais observer la douleur tout comme je pourrais observer un paysage avant d’en faire une image et tenter de détruire la distance qui m’en sépare.