mardi 23 novembre 2010

1983

Lire quelques textes de Jean-François Chevrier, revoir d’anciennes photographies rangées, lire ce que l’on a pu en dire, penser à ce qui m’avait motivé pour les faire me donne envie de préciser quelques points alors je recommence à écrire et d’autres choses reviennent.

Peu après la création du FRAC Centre début des années 80, il avait fallu attendre un ou deux ans avant de voir son engagement. La plupart des élus et les divers membres qui le formaient trop peu initiés ou éduqués à l’art contemporain exprimaient leurs craintes en plaçant l’argent prévu aux achats dans des sicav ou autres.
Le jeune conseiller aux arts plastiques de la DRAC prit alors l’initiative d’organiser pour eux des sorties parisiennes dans les musées et autres lieux institutionnels dédiés à l’art contemporain. Pendant ce temps le FRAC se retrouvait le plus riche et le plus vide du territoire! Lorsqu’il décida de dépenser son argent c’était pour attribuer une sorte de bourse à des candidats photographes. Le dossier demandé devait comporter quinze photographies ainsi qu’une estimation du prix d’une épreuve numérotée et signée. Ceux qui allaient être retenus se verraient allouer une aide correspondant à quinze fois le prix du tirage estimé. La contrainte de cette commande était de devoir faire quinze photographies dans le périmètre de la Région et dans l’année qui suivait.
Sous les conseils de plusieurs personnes je présentais un dossier qui ne fut pas retenu. Mes quinze photographies noir et blanc étaient des paysages urbains parmi lesquels figuraient trois terrasses de café. J’oubliais vite cet échec jusqu’au moment où un an plus tard le conseiller aux arts plastiques me recommanda de poser ma candidature une nouvelle fois. Je lui répondis que je ne savais pas pourquoi j’avais été refusé un an plus tôt et le jury étant inchangé, je ne voyais pas l’intérêt de me représenter. C’est alors qu’il me dit avoir eu honte de me confesser les vrais raisons de ma mise à l’écart lors de la première cession.
«-Dans la série de photographies que tu présentais il y avait trois terrasses de café, certains ont estimé qu’il n’était pas moral de donner une aide financière à quelqu’un qui travaille dans les bistrots! Me dit-il»
Je décidais alors de présenter le même dossier en enlevant les trois photographies immorales et en multipliant par deux l’estimation du coût d’un tirage. Et je fus retenu!
J’avais alors eu un an pour faire une série de quinze photographies. Après avoir établi une liste de lieux, de sites, de monuments je choisi aussi trois terrasses de café que j’intégrais avec logique dans cette suite.*
Quelques années après j’obtenais une commande pour un centre d’art, je devais photographier ses dernières acquisitions: des sculptures installées dans son parc. Le directeur de ce centre d’art, ancien photographe et ancien membre de la première commission d’achat du FRAC Centre m’évoqua les débuts du FRAC et me parla de mes deux candidatures. Dans ses mots j’entendais ses aveux, il me dit avec assurance que la première fois mon dossier n’avait pas été bon, mes terrasses de café étaient sans intérêt et surtout mes tirages d’une qualité très médiocre. Par contre un an plus tard mes nouvelles images étaient très bien et mes tirages excellents. Je ne lui dis pas que rien n’avait changé d’une année à l’autre sinon trois photographies en moins la seconde année, leur absence avait la faculté d’éclairer les autres photographies restées à l’ombre d’un jugement précédent.
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